"Mec!" avec Philippe Torreton : il nous mène par le bout du cœur

À voir si : vous avez le cœur passionné et tourmenté

Du 4 au 21 octobre 2018
au Théâtre Édouard VII

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“Je voudrais qu’on m’inhume dans mon plus beau posthume ‘Pacifiste inconnu’”

Nu, Allain Leprest


Dans un spectacle aux allures de concert, Philippe Torreton rend hommage au chanteur et poète Allain Leprest en se donnant corps et âme sur la scène du théâtre Édouard VII. Le batteur de “Téléphone”, Richard Kolinka, tout aussi habité, et le musicien, Aristide Rosier, accompagnent cette mélopée enfiévrée.

Quand la lumière se fait sur la scène du théâtre Édouard VII, un salon d’appartement semble avoir été envahi par des ados prêts à créer du grabuge, entre un micro, une batterie, une guitare électrique et tous autres instruments pouvant faire du bruit. Ce n’est que le décor de la pièce “Le Prénom” accueillant un spectacle où les mots font les images et les instruments, l’atmosphère. Avec “Mec!”, Philippe Torreton nous parle comme s’il chantait, nous dit les mots de ce poète oublié, Allain Leprest.

Une langue à la poésie brute et déchirante

“Mec!” Voilà que Philippe Torreton nous admoneste… puis nous mène par le bout du cœur, “Même dans les chansons cons y a des trucs qu’on dit pas/Qu’c’est moche quand t’es parti ou qu’je t’aime par exemple/Ça j’te d’l’rai jamais, j’te l’dirai pas, mais presque, mec”. C’est là toute la pudeur brute d’Allain Leprest, ce poète, parolier, chanteur, héritier de Brel ou Ferré, né en 1954 et disparu en 2011, peu connu du grand public mais reconnu par ses pairs. Philippe Torreton dit une vingtaine de ses chansons parmi le répertoire poétique d’une vie, de près de 400 textes. S’invitent alors dans la salle, dans nos têtes et dans nos âmes, ce “chien d’ivrogne”, cette “putain” dont le sac à main contient “les serments d’amour en kit de ceux qui la baisent et la quittent”, le chagrin, “cet animal familier, ce chien que tu traînes(…) Et tu as beau être son maître, tu le crains” et Rimbaud qui nous aurait fait “une chouette tête de mort si tu avais blanchi comme le père Victor”. La plume d’Allain Leprest décortique l’humanité dans toute sa grandeur et dans toute sa décadence. Et c’est beau. On ne veut qu’une chose : se jeter sur les textes d’Allain Leprest pour ressentir encore et encore, comprendre mieux et s’approprier cette poésie de la vie douce et dure à la fois.

merveilleusement transmise par un Philippe Torreton transcendé

Jean, T-shirt, cheveux en pagaille, Philippe Torreton nous invite dans son salon. Richard Kolinka, le batteur de “Téléphone” est là et Aristide Rosier, jeune musicien et ami, accompagne ce concert, comme improvisé. Et quand les mots surgissent, Philippe Torreton reste lui-même et se métamorphose à la fois, il est ces mots, le corps en transe traversé par ce verbe aux mille teintes, la voix chaude ou désespérée criant de l’aimer ou de regarder les difficultés et les beautés. Les images sont là, sur scène, révélées par le talent d’un auteur, l’interprétation d’un acteur et la mélodie d’inventeurs. Richard Kolinka, habité et mutin, et Aristide Rosier, pudique et à l’écoute, offrent des sons au diapason de ces chansons et nous font voyager loin avec Allain Leprest… comme avec ces petits clapotis de pluie sur la mer “où il tombe des cordes et l’eau s’est pendue (…) Il pleut sur la mer et ça sert à rien, à rien et à rien”. Oui, Philippe Torreton nous dit bien du “Leprest” comme on dirait du “Rimbaud”, se mettant à nu, incarnant ce verbe fou et fort, à son image. “Mec!” offre une soirée comme on en voit peu, de celle qui font du bien à l’âme, ainsi ravivée, et pansée de toutes de ses plaies alors extériorisées.

Claire Bonnot

“Mec!” avec Philippe Torreton, Richard Kolinka et Aristide Rosier

Du 4 au 21 octobre 2018
au Théâtre Édouard VII
10, place Édouard VII
75009 Paris

Du jeudi au samedi à 19h et le dimanche à 18h