Dans une pièce tout public convoquant l’imagination pure et subtile des jeunes spectateurs, Zabou Breitman déploie toute sa fantaisie en mettant en scène la rencontre peu commune entre un chien-chanteur et une petite-fille pas comme les autres. Une fable pas si déconnectée de la réalité que ça : le chien est sans collier et traqué…
Lola, une ravissante petite fille au ciré jaune, a fait une rencontre exceptionnelle… et ne veut plus rentrer chez elle. Avec ? Avec un chanteur poète, un chanteur-chien, un chien des rues… C’est l’histoire de Thélonius et Lola, le chien sans collier et la gamine idéaliste qui se sont rencontrés et ne se quitteront plus jamais, du moins, dans leurs pensées…
Un conte des temps modernes poétique et sensible
Dans une mise en scène très esthétique pareille à un conte pour enfants (les magnifiques lumières de Stéphanie Daniel donnent l’impression de tourner les pages d’un livre illustré) où la ville est une projection lointaine et la rue, une sorte de piste de danse, une petite-fille croise un drôle de chien. Il chante et il parle français ! Et, bien évidemment, elle va lui parler. Lui est méfiant, il joue au chien méchant. Mais, bien vite, la sincère curiosité de la petite lui donne envie de donner la papatte. Ils vont s’apprivoiser. Où l’on découvre que ce chien artiste vit dans les égouts et se cache de toute âme qui vive… De questions en réponses, Thélonius & Lola vont s’apporter mutuellement, comprendre qu’ils ne sont pas si différents que ça et que, surtout, ils sont du même côté et pas celui des adultes, na ! - « Les adultes ont peur de ce qui est différent, de ce qu’ils ne comprennent pas », dira Thélonius. Ils partiront ensemble sur les routes, celles de l’amitié et de l’humanité au cœur des inégalités. Et tout ça avec des textes poilants - et profonds ! - signés Serge Kribus, une situation totalement dingue comme Zabou Breitman sait si bien le faire et une bande-son live d’inspiration tzigane qui dépote et qui remue signée du compositeur et violoniste Eric Slabiak (à écouter sur Spotify) - Charly Fournier livre une prestation de crooner qui vole aisément la vedette aux héros “à poils” des films Disney… C’est doux, c’est drôle, c’est décalé, le combo parfait pour s’évader et rappeler que l’ouverture à autrui offre de grandir et de vivre des événements et émotions insoupçonnés. Un conte des temps modernes qui ravira petits et grands (enfants) !
Des comédiens W(a)ouf !
L’alchimie entre ce chien des planches et cette petite-fille bien curieuse et courageuse fonctionne à merveille avec le merveilleux Charly Fournier (comédien à suivre et génial dans Le Nid de Cendres de Simon Falguières) et la pétillante Sarah Brannens. Ils installent très vite cette situation loufoque et nous embarquent dans la folle aventure. Il faut dire que leurs personnages sont particulièrement attachants - on raffole notamment du petit barda de Thélonius (bravo à l’accessoiriste Christophe Perruchi) avec micro-ondes et sono intégrés sans oublier, car notre chien est raffiné, un petit bouquet et un petit évier pour se brosser les dents. Véritable saltimbanque, venant du monde forain et circassien, le comédien Charly Fournier interprète avec une finesse bouleversante ce chien sans collier, une émotion qui transparaît particulièrement lorsqu’il chante « J’avais un ami ». Sa petite fée de la scène, Sarah Brannens interprète avec une certaine gourmandise cette candeur fonceuse de l’enfance. Un duo ravissant ! Thélonius et Lola ? On se sent bien dans ces poils-là…
Claire Bonnot
“Thélonius et Lola” de Serge Kribus, mise en scène par Zabou Breitman
