"Le Malade imaginaire" de Molière par Daniel Auteuil : une pièce pleine de santé !

À voir si : vous avez le cœur léger

au Théâtre de Paris
jusqu’au 19 mai 2019

© Julien Panié

© Julien Panié


“ Si bien donc, que de ce mois j'ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements; et l'autre mois il y avait douze médecines, et vingt lavements. Je ne m'étonne pas, si je ne me porte pas si bien ce mois-ci, que l'autre.”

Le Malade imaginaire, Molière


Porté par la tendresse émanant de sa troupe familiale, Daniel Auteuil, metteur en scène et interprète du Malade imaginaire de Molière, livre au Théâtre de Paris un spectacle en forme de joyeux remontant. Un régal !

Nous voici face à une immense pièce au parfum de romanesque entre ses murs rougeoyants quelque peu décrépis, ses lourds rideaux verts flottants et ses ombres et lumières vacillant au gré d’un feu de cheminée flamboyant. Soudain, le rideau se referme sur ce décor de roman et une petite fille vient chantonner, de sa toute petite voix fragile et innocente, un air au parfum d’avertissement : « Votre pur savoir n’est que chimère »…

Daniel Auteuil a toujours eu cette malice dans l’œil, cette invitation à une certaine gaieté, la plus sincère, la plus simple, celle de l’enfance heureuse de son insouciance et désireuse de la partager. C’est ce qu’il livre avec plaisir (et fougue dans son jeu !) dans sa mise en scène de la célèbre pièce de Molière, créée en 1673.
— Apartés

Un joyeux ensemble virevoltant pour un « Malade imaginaire » très bien portant



Fidèle, Daniel Auteuil s’est entouré d’une véritable équipe familiale dont notamment sa fille, Aurore Auteuil, jouant sa servante Toinette bien plus attentionnée qu’Argan ne le pense, et Victoire Belezy, son héroïne de cinéma dans les Marius et Fanny, adaptés de Marcel Pagnol en 2013. Bien lui en a pris car ressurgit de ces entrées, sorties et grandes scènes de comédie, une tendresse infinie et une folle générosité. Oui, cette troupe nous invite à prendre part au jeu, à rire (le public ne se fait pas prier devant les mimiques irrésistibles de Daniel Auteuil qu’on retrouve aussi coquin que lorsqu’il jouait la mauvaise foi bouleversante de César au cinéma), à s’émouvoir de tout ce manège virevoltant. Le comédien célèbre ici le sens de la famille, l’amour du théâtre et du caractère humain. Qui n’a jamais rencontré ou ne s’est jamais comporté comme le névrosé et pourtant irrésistible Malade imaginaire ? Cette adaptation s’attendrit de la vie dans ce que ses petits tracas ont de ridicules autant que d’essentiels. Car ils cachent bien souvent des douleurs plus grandes et plus existentielles, pansées par l’amour et l’attention minutieuse des prochains : tout ce qui fait une vie en réalité et qui empêche de penser à la mort…

porté par une troupe pleine de fraîcheur et de générosité

Daniel Auteuil a toujours eu cette malice dans l’œil, cette invitation à une certaine gaieté, la plus sincère, la plus simple, celle de l’enfance heureuse de son insouciance et désireuse de la partager. C’est ce qu’il livre avec plaisir (et fougue dans son jeu !) dans sa mise en scène de la célèbre pièce de Molière, créée en 1673.
Une fois le rideau réouvert, un homme trône, à la fois imposant et grotesquement petit, dans cette grand pièce vide de compagnie humaine. Vêtu d’une robe de chambre richement travaillée aux manchons de fourrure, il compte méthodiquement le coût de ses « lavements » et « médecines ». Et lorsqu’il tente de sonner ses gens, personne ne l’entend… « Drelin, drelin, drelin » s’égosille Daniel Auteuil, oscillant entre l’angoisse du vieillard solitaire et le gentil cabotin soucieux de faire rire son public. Toinette, la servante perspicace et impertinente (à-propos) entre : « Ah ! Chienne ! Ah carogne », grimace à son égard le faux malade… Le moment est ravissant quand on sait que la comédienne n’est autre que la fille du comédien, Aurore Auteuil. Si sa voix porte moins que celle des autres membres de la troupe, l’interprète de Toinette instaure avec son père Auteuil-Argan une relation à la dimension hilarante et profondément émouvante. On les sent, tous deux, réellement connectés, et c’est beau à voir, tout simplement. Chaque personnage fait ensuite une entrée remarquée piquant toujours plus l’intérêt du spectateur : la belle Victoire Belezy - merveilleuse Fanny dans l’adaptation des pièces de Pagnol par Daniel Auteuil - est une Angélique forte et frémissante qui apporte une vraie profondeur à ce personnage de jeune femme aimante et passionnée. Son amant transi Cléante apporte, lui aussi, une éclatante partition en la personne de Pierre-Yves Bon, excellent chanteur et extrêmement émouvant dans son jeu. Les grotesques médecins Diafoirus, père et fils, très bien joués par Jean-Marie Galey et Gaël Cottat, offrent eux aussi un moment désopilant. Mention spéciale pour la scène de face-à-face entre la petite Louison (bouleversante(s) et très jeune(s) comédienne(s) en alternance ) et son père Argan, qui démontre une nouvelle fois la faculté de Daniel Auteuil à saisir la poésie de l’instant et la spontanéité magnifique de l’enfance. Le final en forme de Commedia dell’arte vient merveilleusement clôturer cette célébration d’un théâtre simple, joyeux et particulièrement généreux.

Claire Bonnot

“Le Malade imaginaire” de Molière mise en scène par Daniel Auteuil

au Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris

Du mercredi au samedi à 20h30, le samedi à 17 et le dimanche à 15h30
Durée : 1h55