"Le Songe d'une nuit d'été" de William Shakespeare par Ariane Issartel : doux rêves sur les planches

À voir si : vous avez le cœur léger et passionné

Les 11 et 12 janvier 2020
au Théâtre du Voyageur
à Asnières-sur-Seine

© Patrice Issartel - Cie des Xylophages

© Patrice Issartel - Cie des Xylophages


“Si nous, ombres, vous avons offensés, Pensez alors (et tout est réparé) Qu’ici vous n’avez fait que sommeiller Lorsque ces visions vous apparaissaient.”

Le Songe d’une nuit d’été, William Shakespeare


Une jeune troupe de théâtre nous emmène dans la féérie farcesque et romanesque du grand Shakespeare. Un « Songe d’une nuit d’été » qui jette un sort pareil à un doux envoûtement.

Le théâtre s’offre tel qu’en lui-même avec les premières scènes interprétées par la Compagnie des Xylophages. Les comédiens, vêtus de costumes esthétiques semblables à des toges grecques, invitent à entrer dans une Athènes où l’Amour est célébré autant que contrarié. Les noces du Duc et de la Duchesse seront bientôt honorées mais l’amour véritable est pourtant balayé par l’autorité de la Cité car, en ce lieu, les filles doivent obéir aux pères. Hermia aime et est aimée de Lysandre mais son père veut la voir épouser son promis très épris Démétrius, lui-même aimé d’Helena. L’imbroglio est déjà total, n’est-ce pas Puck ? Heureusement, il reste toujours l’échappatoire… de la fuite et du théâtre. Les doux amants s’évaderont dans le bois proche, protégés par l’obscurité de la nuit. C’est là, dans ce lieu qu’ils ne savent enchanté (ou hanté) par la reine et le roi des fées, qu’un esprit coquin commandité - l’elfe Puck - ouvrira leur cœur grâce au suc d’une fleur. L’épisode merveilleux prendra pourtant un vilain tournant car même les êtres surnaturels peuvent se tromper…

Il était une fois… un bois enchanté

Les doux chants des créatures nocturnes et les jolis craquements de la forêt enchantée nous auront bercés tout au long de la soirée. Préférant une scénographie épurée et élégante à la luxuriance des bois déjà bien fournis par la langue de Shakespeare, Ariane Issartel et Joséphine Ducat (scénographie) imaginent un plateau où le pouvoir de l’illusion est roi et, ainsi, les plus folles fantaisies, réelles. Seul un drap tendu en fond de scène aux impressions bucoliques ou encore un petit buisson de fleurs peint et des fées aux masques figuratifs de toile d’araignée et fleurs des pois viendront appuyer l’entrée dans un autre monde. Ainsi, pas d’artifices - autres que les interprétations - pour explorer ce Shakespeare qui en est rempli. Et l’envoûtement opère ici grâce à l’accompagnement musical. Agissant comme un filtre d’amour agréablement engourdissant, cette création originale pour voix et violoncelle - compositions inspirées de Purcell, Monteverdi, et des musiques de cour de l’époque d’Henri VIII - convoque tout l’univers onirique et poétique déployé par Shakespeare. Les mille petits bruits provenant des coulisses avant l’arrivée des fées masquées rappellent les multiples forêts enchantées que l’on trouve dans les contes ou celles, réelles, qu’on a la chance de rencontrer. La tragédie amoureuse, l’étrangeté joyeuse et la féérie poétique de cette histoire rocambolesque sont élégamment traduites dans la mise en scène de Ariane Issartel.

L’invitation au rêve

Hommage aux possibles qu’offrent le théâtre, Le Songe d’une nuit d’été (datant de 1600) a plusieurs cordes à son arc pour envoûter. Shakespeare n’hésite pas par exemple, dans une ultime pirouette, à parodier le théâtre dans sa pièce avec cette représentation finale si grotesque qu’elle en est parfaite de La très-lamentable comédie et la très-cruelle mort de Pyrame et Thisbé. Le jeu faux, les explications cassant la magie, le décalage entre le tragique et le comique, tout aurait dû concourir à briser la féérie. Et pourtant. Le sort prend. Parce que le contrat avec le spectateur - prêt à imaginer - est scellé dès le départ. Bravo à ces « piètres acteurs » - géniaux Pierrot Du Saillant/Pyrame et Samuel Labrousse/Thisbé - qui ont offert un grand moment de jeu et d’hilarité à toute la salle. Et dans cette mise en scène épurée faisant contrat avec la puissance de l’imaginaire, toute latitude est offerte aux jeunes comédiens de dévoiler leur talent de jeu. Lili Aymonino en Hippolyta puis Titania, reine des fées, est absolument ensorcelante, une vision en territoire enchanté. Paul de Menthon en Lysandre et Benjamin Bertocchi en Démétrius incarnent avec une belle présence de jeunes gens baladés par les sentiments amoureux tandis que leurs versants féminins, Claire Saumande en Héléna et Lavinia Magnani en Hermia partagent l’élégance de jeu. Benoît Tabone, aussi, en sautillant Puck, est aussi facétieux qu’attendrissant.

Claire Bonnot

"Le Songe d'une nuit d'été" de William Shakespeare par Ariane Issartel et la Compagnie des Xylophages

Durée : 2h40 sans entracte

Pour suivre les actualités de la Compagnie des Xylophages :
lesxylophages.wordpress.com
www.facebook.com/lesxylophages
Twitter, Instagram :
@lesxylophages