"Les Beaux" de Léonore Confino : miroir, miroir, dis-moi que nous ne sommes pas si moches à voir

À voir si : vous avez le cœur léger et tourmenté

Du 6 septembre au 28 décembre 2019
au Théâtre du Petit Saint-Martin

© Emilie Brouchon

© Emilie Brouchon


“Il faut devenir le contraire de nous, traverser le miroir”

Les Beaux, Léonore Confino


Détricotant à l’extrême la relation d’un couple apparemment parfait, l’auteure Léonore Confino orchestre une thérapie déjantée sur la vie à deux sublimée par deux comédiens fabuleux. Déroutant mais définitivement intéressant.

Ce qui frappe tout de suite, c’est la beauté des deux comédiens. Oui, l’affiche et le titre n’ont pas menti, nous allons bien voir “Les Beaux”. Elle, athlétique, silhouette parfaite, en collants noirs et top fluo, ressemble à s’y méprendre à une poupée Barbie prête pour son cours d’aérobic. Lui, sourire Colgate, cheveux gominés, altier, a revêtu le smoking scintillant d’un Ken hôte de soirée. Ils sont bien là devant nous en chair et en os et pourtant, leurs conversations puériles et comme récitées sonnent faux… Qui sont-ils ?

Détricotant à l’extrême la relation d’un couple apparemment parfait, l’auteure Léonore Confino orchestre une thérapie déjantée sur la vie à deux sublimée par deux comédiens fabuleux. Déroutant mais définitivement intéressant.
— Apartés

Foncer dans l’envers du décor



Léonore Confino, suivie astucieusement en cela par le metteur en scène de sa pièce Côme de Bellescize, fonce dans le décor (qui éclatera littéralement en même temps que le couple volera en éclats). Celui d’un couple moderne à qui tout réussit, supposément… Car c’est au travers du regard de leur fillette de sept ans qu’ils ont pris cette forme étrangement idyllique, parfaitement irréelle, celle d’un Ken et d’une Barbie obnubilés par leur apparence, débitant des banalités trop grosses pour être innocentes. Derrière le miroir que leur (et nous) tend la petite Alice - qui, traumatisée, ne dit plus un seul mot dans la vraie vie -, la réalité n’est pas belle à voir : les parents ne se supportent plus, accumulent les frustrations et les non-dits, n’hésitant pas à se hurler les pires horreurs à la figure. Tirant à l’extrême ce fil dramaturgique, l’auteure tente ainsi de sonder aux plus profonds les problèmes d’un couple moderne confronté aux mensonges, à la trahison, à la vie quotidienne, à l’arrivée d’un enfant. Sujet passionnant mais qui prend parfois des contours trop marqués, trop clichés, pour toucher juste. Si la pièce s’étire un peu trop en longueur et aurait bénéficié de nouvelles scènes Ken/Barbie en miroir pour pimenter la mise en scène, le final vient rappeler la profondeur de l’écriture de Léonore Confino, à l’image de Ring, joué en 2013 au Petit Saint-Martin.

Jeux de massacres en beauté

Aussi beaux et factices que peuvent être cet homme et cette femme en début de spectacle, aussi complexes et vrais deviennent-ils à la fin de la pièce. Et c’est l’excellente pirouette finale de ce texte qui prend un peu trop de détours en passant. De ce point A à ce point B, les deux comédiens maîtrisent avec une grande jouissance ce cruel jeu de massacre qui enlaidit bien vite leurs personnages tout lisses. Élodie Navarre, beauté classique au piquant irrésistible, est d’une totale justesse dans les déchaînements de son personnage de femme au bord de la crise de nerfs tandis que Emmanuel Noblet, beau à se damner, charme autant qu’il dégoûte dans ce rôle d’homme tour-à-tour lâche et aimant. Un duo absolument parfait !

Claire Bonnot


"Les Beaux" de Léonore Confino d’après son texte Enfantillages publié aux éditions Actes Sud-Papiers,

au Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger
75010 Paris

Durée : 1h10