L'humoriste et comédienne Trinidad signe un texte sur la condition féminine des années 1950 à nos jours aussi pétillant et engageant qu'elle l'est elle-même. « Et pendant ce temps Simone Veille » met en scène trois lignées de femmes rappelant les combats, les joies et les difficultés des femmes, le tout ponctué par une « Simone » hilarante, qui veille au grain pour ses consœurs. Du féminisme comme on aime !
« Évitez les pommes, depuis Adam et Eve, ça nous a pas trop servis, on en crache encore les pépins. Et, bien sûr, en tant que Simone, je veille. » Nous voilà présentés. Simone - Une Simone Veil de scène incroyablement interprétée par une Fabienne Chaudat sarcastique et profondément drôle - va nous raconter l'existence féminine sur les soixante dernières années.
Un texte incroyablement fin et percutant qui réveille...
Les oreilles sont grandes ouvertes dès les premiers dialogues. On flaire le bon mot, celui qui saura rendre compte sans dénoncer, faire avancer sans dégommer. C'est constamment le cas avec Trinidad. Outre Simone qui joue le rôle du narrateur, on apprend à connaître la première génération de femmes, celles qui vivaient dans les années 1950 : Marcelle, l'ouvrière, France, la bourgeoise et Giovanna, représentante de la classe moyenne. Elles se retrouvent au parc où elles amènent les enfants alors que quelques années auparavant, elles faisaient tourner la France pendant que les maris étaient au front. « Jacques m'a enfin offert le robot de mes rêves », s'exclame Giovanna (ravissante Serena Reinaldi qui joue à ravir la femme gentiment soumise à son mari) tout sourire, ajoutant que c'est avec son argent. Oui, comme nous le rappelle Simone avec un grand sourire faux qu'on adore, à partir de 1945, les femmes peuvent exercer toute profession (Hourra !) mais... avec l'autorisation de leur mari. « Moulinex libère la femme », chante, pas convaincue Marcelle (excellente Trinidad), qui elle n'a pour cadeau que les coups de son mari. Le décor est posé. Entre alors France (la très énergique Agnès Bove) qui fonce dans le tas : « Vous considérez-vous comme libres ? » Et puis se succèderont les années 1970 avec les filles seventies et libérées de France, Giovanna et Marcelle qui expérimentent le planning familial : La fille de Georgiana se fait traiter de « salope » car elle est fille-mère... Et pourtant, elle aurait aimé rester avec son mec mais il l'a quittée... et France souhaite divorcer de son mari qui la trompe. Chouette, en 1975 est voté le divorce par consentement mutuel - « Aux chiottes, Napoléon ! » s'exclament en cœur nos quatre courageuses. Et surtout la dépénalisation de l'IVG, le 17 janvier 1975, qui voit notre Simone s'écrier dans une phrase choc mais révélatrice : « Les femmes pourront avorter, les hommes pourront continuer à violer ». Puis viennent les années 1990, l'ère des supermodels et de la dictature du corps : la petite-fille de Giovanna veut se refaire les seins. Prisonnière de la séduction ? Là est la question. Enfin, les années 2000 abordent la lourde question du voile avec aplomb : « Les seins, c'est la séduction, le voile, la soumission. » Après tant d'acquis, à l'ère contemporaine, le combat et les questionnements doivent continuer encore et encore : c'est ce que nous montre le final oscillant entre des situations de femmes indépendantes qui ont le droit à la procréation assistée mais recherchant toujours l'amour vrai - « L'amour se fait retors pour que tu m'aimes encore ». On aime plus que tout cette trame historique qui, bien loin d'être revancharde, en appelle à l'homme responsable et aimant pour un féminisme humaniste qui signe l'égalité entre les hommes et les femmes.
... dans une mise en scène entraînante qui pousse au questionnement
Des plots sur scène pour signifier les changements de décennie, des costumes extras révélant les excès stylistiques des années 1970 et les femmes actives des années 2010 et surtout des enchaînements en chansons bétons sur des airs populaires entraînants : « Sur la plage abandonnée » de l'incomparable BB ou « Pour que tu m'aimes encore » de Céline Dion. Bref, tout est au rendez-vous pour faire de ce cocktail scénique et textuel explosif un flambeau d'espérance à transmettre aux générations futures, féminines ET masculines. Bravo !
Claire BONNOT
« Et pendant ce temps Simone veille » écrit par Trinidad et mis en scène par Gil Galliot
Jusqu'au 26 juin
au Studio Hébertot
78 bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h.
Durée : 1h20.