« Un Baiser, s'il vous plaît », première adaptation théâtrale du film naïf et profond du réalisateur et acteur Emmanuel Mouret, nous fait l'effet d'un visionnage télé réconfortant de dimanche soir. Irrésistible. On redemanderait bien un peu de ce joli baiser.
Un homme et une femme, tous deux vêtus d'un trench, se rencontrent un soir dans les rues de Nantes. Galant (ou plus si affinités), l'homme propose à la femme de la ramener en voiture à son hôtel. Elle, c'est Émilie, lui, c'est Gabriel. Lui aimerait beaucoup l'embrasser, elle aussi. Après un verre, il lui dit : « Merci de me laisser un si bon souvenir. Je voudrais vous en donner un meilleur souvenir. » Mais une histoire empêche Émilie de le faire : celle de Judith et Nicolas, meilleurs amis dans la vie et pour lesquels l'échange d'un baiser va changer la donne. Gabriel s'attarde donc dans la chambre d'hôtel d'Émilie pour entendre la suite de cette histoire...
Une histoire de couples loufoque mais pas glauque à la fantaisie irrésistible...
Le tract nous a été présenté avec « Un baiser s'il vous plaît ». Et ça a marché, surtout quand on a pensé au film d'Emmanuel Mouret. Son univers candide mais non dénué de réflexion fait l'effet d'un coup de frais dans la rom-com française. On a toutes rêvé de rencontrer un bel inconnu prêt à écouter mille histoires et à partir sans même la certitude qu'il obtiendra un baiser. C'est peu commun et c'est pour ça que ça fonctionne aussi bien. Surtout quand l'histoire qui suit commence par : « Je souffre d'une sorte de manque d'affection.(...) Je parle de cette sorte d'affection quand deux physiques s'affectionnent entre eux. (...) T'aurais pt'être pu me guérir ? » dixit Nicolas à Judith, sa meilleure amie, en couple avec Lucas. Et que l'histoire en question continue avec : « T'es sûr et certain que ça t'fait du bien ? »; « N'hésite pas à me dire ce qui te fait plaisir. Les choses me font d'autant plus plaisir quand elles font plaisir à l'autre. » et Nicolas d'obtempérer : « Je me permets de prendre du plaisir comme tu m'as dit que ça te faisait plaisir. » Le problème c'est que Nicolas, désormais en couple avec Câline (génial !!) ne se remet pas du baiser que Judith lui a donné. Celle-ci propose de chasser cette illusion de leur esprit en essayant « le meilleur remède » : retenter l'expérience et si possible tout faire pour qu'elle soit mauvaise, histoire de démystifier tout ça d'où le « on le fait par terre ». Hilarant. Le problème, c'est que ça ne fonctionne pas. Et le problème, dixit Judith, c'est que : « Quand on est amoureux, c'est de l'attirance consentie. On est d'accord d'être attirés l'un par l'autre. Nous on est attirés mais sans notre consentement mutuel. » Ou comment deux êtres qui se désirent et s'aiment à la folie s'obligent à se voiler la face parce qu'ils sont déjà engagés ailleurs - mais tentent tout de même, notons-le - et parce qu'ils ont peur de faire du mal. Des dialogues savoureux, toujours inattendus, des situations imbriquées dans d'autres situations, le cocktail est parfait pour passer une excellente soirée. Et c'est encore mieux quand les comédiens sont, eux aussi, irrésistibles.
... servie par des comédiens aussi craquants que leurs personnages sont réellement innocents
Gabriel alias Benjamin Bourgois a cette nonchalance du parfait dragueur mais à l'air rêveur; son personnage n'en est alors que plus craquant. Il a lui aussi une histoire à raconter. Son personnage est aussi celui du mari de Judith, le pauvre Lucas bafoué (vous verrez) et le chassé-croisé fonctionne à merveille. Sandy Besse (Émilie et Câline) a cette petit voix naïve qui sied aussi bien à l'énigmatique Émilie qu'à la fofolle et gentillette Câline. Et le couple phare interprété par l'immense et joliment gauche Camille Bardery et le petit et sautillant Romain Lancry (l'image est extra) est improbable et donc bien véritable. L'innocence dégagée par ce joli quatuor sert magnifiquement ce petit bijou de comédie à la mise en scène simple et efficace. On voyage avec eux le temps d'une histoire et on se verrait bien mettre en route l'épisode 2. Mais promis, on n'en parlera pas trop autour de nous parce que le comédien Romain Lancry se promène en caleçon pendant un bon moment et que ça le gêne énormément.
On en oublierait presque que cette comédie n'est pas aussi légère qu'elle en a l'air et pose la question du désir qui peut subvenir quand on ne s'y attend pas. Mais ne se met-on pas en danger un peu inconsciemment en feignant l'innocence ? Ça demanderait une nouvelle histoire...
Claire BONNOT