Jusqu'au 30 juillet à 14h au Festival OFF d'Avignon au Théâtre du Roi René
"Ayez les femmes et vous vendrez le monde !'
Au Bonheur des Dames, Zola
L'adaptation théâtrale par Florence Camoin du roman sentimental et social d'Émile Zola, « Au Bonheur des Dames » est une réussite. Le personnage haut en couleur d'Octave Mouret est formidablement interprété par un Alexis Moncorgé, Molière de la révélation masculine 2016, toujours aussi fougueux. Un très plaisant moment de théâtre.
Un texte fondateur qui résonne haut et fort dans une mise en scène ravissante
Une jeune provinciale, Denise, arrive à Paris, dans les années 1850, et découvre un nouveau monde économique, celui du commerce moderne avec l'avènement des grands magasins (dont le fameux « Bonheur des Dames »), une voie d'émancipation pour les femmes et l'amour véritable libéré de toutes barrières et conventions sociales. Pour les adeptes de films en costume, cette adaptation théâtrale du roman célèbre de Zola sera un vrai régal. Le texte, beau, percutant et toujours un peu plus alléchant habille efficacement cette mise en scène légère faite de panneaux aux projections vidéos très « Belle Epoque ». L'aspect suranné de la mise en scène, sans fanfreluches inutiles mais belles robes, ne fait qu'ajouter un peu du parfum de cette époque, entourée de frivolité et de manières empesées qu'on prend grand plaisir à regarder. Enfin, et comme le dit si bien Florence Camoin, c'est bien « l'histoire d'amour parfaite » et on relit, avec bonheur, au sortir de la pièce, ce chef-d'œuvre de modernité et de belle sentimentalité.
porté par un Alexis Moncorgé qui transcende le personnage d'Octave Mouret
Difficile de ne pas succomber au charme d'Alexis Moncorgé. Nous avions déjà goûté de sa puissance scénique avec son seul-en-scène haletant, « Amok », adapté de Stefan Zweig, (à voir absolument au Théâtre du Roi René pendant le OFF). Dès qu'il apparaît, le tourbillon naît. Sa cape et son haut-de-forme accompagnent avec élégance et fluidité les traits de génie de son personnage tandis que sa stature souple et vive charme instantanément. Toutes ses entrées sont tonitruantes et élégantes. En quelques scènes, il devient l'Octave Mouret rêvé au gré de nos lectures. Il passe incroyablement bien de l'opportuniste dédaigneux des femmes - « Qu'elles se vautrent dans leurs fanfreluches. (...) Il faut les aveugler, les affoler, les allumer. » - à l'homme important qui bouille d'être éconduit - « Denise, voyons, je vous aime. C'est la liberté que je vous offre. (...) Vous n'avez pas honte de batifoler avec un vulgaire commis dans mon propre magasin ? (...) J'ai même quitté toutes mes maîtresses. » - pour enfin être atteint corps et âme par le véritable amour, en amant désespéré. Chacun de ses regards, de ses gestes, de ses emportements passionnés sont très justement interprétés. Denise a bien de la force de ne pas succomber (pas tout de suite...). La délicate Olivia Demorge est très crédible dans le rôle de la petit provinciale de génie qui va trouver son destin de femme dans l'avènement des grands magasins et cette société en plein chamboulement. Caroline Darnay est sculpturale dans son rôle de maîtresse protectrice du patron en pleine ascension. Et l'ensemble de la troupe génère un joyeux va-et-vient, entre les frous-frous des robes de la haute société dont Mouret se repaît et les cancans des employés du "Bonheur des Dames". On aimerait presque ne pas les quitter. Comme pour un bon livre.
Claire BONNOT
"Le Bonheur des dames de Zola" d'après Émile Zola, mis en scène par Florence Camoin
Jusqu'au 30 juillet au Festival OFF d'Avignon au Théâtre du Roi René Bis, 4, rue Grivolas, 84000 Avignon