"Je parle à un homme qui ne tient pas en place" de Jacques Gamblin et Thomas Coville : les mots par-delà les océans

À voir si : vous avez le cœur passionné

Du 16 octobre au 18 novembre 2018
au Théâtre du Rond-Point

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“Ce que tu m’as écrit m’a sans doute transformé à jamais.”

Thomas Coville à Jacques Gamblin


Alors que le navigateur Thomas Coville se lance sur la Route du Rhum, voilà que Jacques Gamblin reprend son merveilleux seul-en-scène, fruit d’une communication unique en 2014 par-delà les mers et les tempêtes entre les deux hommes et amis. L’expérience théâtrale et émotionnelle fera, à coup sûr, beaucoup de vagues dans les cœurs des spectateurs. Bon voyage à tous !

Sur la scène du Théâtre du Rond-Point, une “grand voile” est hissée, ce sera le parcours et le décor de cette traversée solitaire du navigateur ainsi que de cette traversée solidaire entre le marin et l’acteur. Il s’avance, alerte, presque sautillant, Jacques Gamblin. Il met ses lunettes et tape sur son ordinateur. Thomas Coville est parti pour tenter le record du tour du monde à la voile en solitaire. Jacques Gamblin a son e-mail. Il lui écrit un 17 janvier 2014 : « Te voilà filant dans le vent, pense à respirer. » Le vent souffle puissamment dans cette grand voile théâtrale, bon vent à nous, à vous, spectateurs !

Un spectacle d’une merveilleuse imprévisibilité sur l’amitié et l’importance des mots contre vents et marées

Un ordinateur portable, un tabouret, une scène, une carte de navigation traçant les étapes du voilier. Où va donc nous emmener Jacques Gamblin ? Dans quelle aventure nous embarque le facétieux comédien ? On met aisément les voiles avec lui, confiants, happés, émerveillés. Démarre alors une odyssée inattendue, incertaine, où un être, resté à terre, envoie des mails à un autre être, naviguant sur les mers. Chaque jour, Jacques écrit à Thomas, un petit mot par-ci par-là, toujours joli, souvent drôle et porteur d’un message de courage. Inévitablement, il se prend aux mots, à ses propres mots. Cette conversation quotidienne lui devient indispensable mais est-ce bien une conversation, s’interroge-t-il ? N’est-ce pas un monologue déguisé, pour se parler à soi-même ? Car il donne, il se donne, mais l’autre reçoit-il ? N’est-ce qu’une bouteille jetée à la mer ? Car Thomas Coville ne répond pas. Ou pas encore. Qu’à cela ne tienne, Jacques Gamblin est lancé, sa plume se délie, sa parole se libère, l’amitié naissante se tisse au fil des mots, des pensées, des vagues et des vents imaginés. Et, le public, intrigué, ému, d’écouter, ébahi, cet homme parler à un autre homme d’une façon si sensible, si pudique, si intime et si rare. Et puis, un jour, le navigateur répond. Un message d’une portée incroyable pour une âme qui s’est livrée à une autre âme, un ami qui s’est demandé s’il était aimé ainsi lui aussi : « Ce que tu m’as écrit m’a sans doute transformé à jamais »… Et la conversation de reprendre, ou plutôt le monologue de l’acteur qui sait, enfin, qu’il est reçu cinq sur cinq.
Tels les vents incertains, cette correspondance se nourrit de l’attente, belle et remplie d’espérance, d’un homme qui accepte de donner à un autre homme sans savoir s’il en recevra un jour quelque chose, par admiration, par amitié, par amour.

habité par une parole poétique et une présence scénique au souffle surpuissant

Les mots de Jacques Gamblin font de Thomas Coville, navigateur taiseux et solitaire par nécessité, l’homme qu’il a toujours voulu être sans le pouvoir. Dans une lettre déchirante, il se mettra totalement à nu à son tour. Même si le souffle du vent n’a pas été présent, le souffle fraternel a soulevé bien plus qu’un voilier à l’arrêt, qu’un navigateur contraint à abandonner, il a soulevé des montagnes, celles, intimes, d’un homme soumis à l’échec - quatrième tentative de record - et fuyant sa vie terrestre en voguant sur les mers. Rares sont les spectacles d’une telle force et d’une telle simplicité à la fois. Jacques Gamblin a trouvé sa muse, la mer, l’amitié, Thomas. Sa plume, vibrante, alerte, moderne, métaphorique, passionnée, crée des tempêtes dans le cœur des spectateurs. Oui, il a la faculté de transformer un cœur, une âme, à jamais, par ses mots. Car en nous livrant ce cadeau inestimable, il rend cette amitié unique universelle. « J’essaie sans cesse d’imaginer ce que tu veux et ressens » écrit Jacques. « On ne m’a jamais écrit, compris comme cela. Et toi, toi tu vois tout », lui répondra Thomas. Parce que c’était lui, parce que c’était moi. Ou les ressorts intemporels, éternels, d’une amitié en devenir. Cette pièce est l’essence même du théâtre, dans sa simplicité - peu de décors, un comédien, un texte -, dans la beauté de sa langue - quelle plume! À mettre au pluriel car le texte de Thomas Coville est aussi une merveille -, dans la générosité de l’interprétation. Oui, car Jacques Gamblin s’adresse au public comme à un confident, lui fait des blagues, lui dédie un petit tango de son cru. Mais pourquoi nous fait-il vivre son histoire intime, son aventure unique ? Car il donne. Il en a le don. Et nous de repartir, le cœur gonflé, l’esprit chamboulé, sûrs d’avoir vibré de tout notre être et certains d’avoir été témoins d’une relation humaine exceptionnelle. Et de nous interroger sur notre propre nature à donner et à recevoir. Essentiel, Unique, Indispensable spectacle.

Claire Bonnot

“Je parle à un homme qui ne tient pas en place” de Jacques Gamblin et Thomas Coville avec Jacques Gamblin

au Théâtre du Rond-Point
2 Bis avenue Franklin Roosevelt
75008 Paris

À 18h30
Durée : 1h30

* Le texte de cette correspondance est paru aux éditions des équateurs le 18 octobre 2018