"Candy Circus ou les abominables marchands de rêve" de et par Antoine Gérard : rêver pour le meilleur et pour le pire

À voir si : vous avez le cœur léger et tourmenté

Du 4 au 7 Décembre 2019
à La Jonquière

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“En ce lieu, tout vous est permis, vous êtes le dernier rempart à votre entière liberté.”

Candy Circus, Antoine Gérard


Rocambolesque, profonde, inquiétante… Cette pièce a plus d’une corde à son arc et convie à un spectacle digne de ce nom : place au “Candy Circus”, une fête aussi merveilleuse que cauchemardesque…

De beaux personnages attendant sagement sur scène se mettent soudain à danser en chœur tels de petites figurines de boîtes à musique qui auraient été actionnées par un grand ordonnateur. La machine à rêves est lancée et nous voici immergés à la fin du XIXème siècle en pleine bourgade Italienne là où la noblesse bien-pensante détourne le regard de tout ce qu’elle juge misère et dépravation humaines. Et elle se nomme ici Vacoli, sympathique vagabond dérangeant tant ses discours humanistes tiennent la route… Ce rejeté de la société annonce la venue d’un chamboulement magique, le mystérieux Candy Circus…

Le Candy Circus ou des artistes qui dérangent pour la bonne cause : place à la joie et à la fête !
— Apartés

Farces et attrapes : une pièce qui avance masquée



Alors qu’un jeune Anglais candide débarque au milieu de cette future pagaille cherchant un certain « Monsieur Bleu », des interrelations à haute tension se dévoilent entre chacun des personnages. La charmante fille de la grande dame de la ville n’a pas du tout l’air amoureuse de ce jeune bon à rien qu’est le fils du maire et à qui elle est promise; la jeune marchande de tissus tente de paraître la plus convenable possible pour attirer la noblesse (et son argent) vers son étal; l’agent Rivoli rivalise de droiture en chassant l’encombrant Vacoli tout en essayant de charmer la doctoresse du coin… Sous ce petit air d’insouciant ballet des humeurs et des sentiments pointe pourtant un propos social qui monte en puissance : dénoncer une société apparemment bien régulée mais basée sur les inégalités et les (fausses ?) apparences. Alors quand le fameux cirque tant redouté - pour son prétendu vice - prend place un soir de brume, tout va basculer… pour le pire comme le meilleur. Les bonbons sont légion, les boissons offertes, le chapiteau dressé, les cotillons éparpillés : rien de plus inoffensif que ces plaisirs enfantins et ce désir de rêver. Pourtant, la bonne société veut le chasser et le maître de cérémonie ne fait rien pour rassurer. L’insaisissable Candy Clown profère d’étranges prédictions : « Je suis celui qui fera tomber les masques et qui accueillera avec joie le spectacle de l’horreur de l’humanité » La pièce opère alors un revirement inattendu où les plaisirs enferment plus qu’ils ne libèrent : un carnaval masqué sulfureux et quasi criminel entraîne la ville entière, droguée à l’opium, dans une noirceur incontrôlée. Qui en a été l’artisan ? Pas Candy Clown qui trompera son monde. Car c’est grâce au Candy Circus que les masques tomberont, que les salauds apparaîtront et que les bonnes âmes se révèleront. Instrument de l’émancipation de chacun, ce grand barnum oblige à aller au fond de soi-même, de ses peurs et de ses désirs les plus grands… Questionner les normes et frôler les limites - le symbole du cirque et de l’Art en général - offrent d’atteindre sa réelle liberté et sa vérité sans s’imposer de fausses règles venues de la société. Le Candy Circus ou des artistes qui dérangent pour la bonne cause : place à la joie et à la fête !

Une joyeuse troupe qui invite au tourbillon de la vie

Foisonnante, intéressante, épique, cette pièce signée Antoine Gérard a de belles fulgurances, porte en elle des thèmes forts et bénéficie d’une écriture très élégante. On aime cet univers du cirque, de l’imaginaire et du merveilleux poussé à fond, dans ses tréfonds plus monstrueux, vivier des contes initiatiques. Si la pièce est un peu dense et mériterait d’être resserrée et que le récit s’emballe un peu vite vers la fin de cette intrigue à multiples tiroirs, l’aventure embarque totalement : par le récit prenant, la pertinence du message et la fougue des quatorze comédiens de La Compagnie Aile de Corbeau
Antoine Gérard en Candy Clown charrie avec lui tout l’imaginaire creepy et burtonien de cet amuseur à la grimace ambivalente, Guillemette Lefèvre est absolument ravissante et vivifiante en jeune noble à l’âme aventurière, Anthony Ponzio est merveilleux en clochard qui remet les pendules à l’heure avant de filer vers d’autres jouissives épopées et Ronan Bacikova est parfaitement troublant en abominable “Monsieur Bleu” cachant bien son jeu.

Claire Bonnot


"Candy Circus ou les abominables marchands de rêve" de et par Antoine Gérard avec la Compagnie Aile de Corbeau

Durée : 2h