"Sandre" de Solenn Denis par le Collectif Denisyak : confessions intimes

À voir : si vous avez le cœur bien accroché

 Du 7 au 26 juillet 2017 à 13h45
à La Manufacture au Festival OFF d’Avignon

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« Tu me prends l’amour, je te reprends la chair de ma chair, je suis pas un ventre. »

Sandre, Solenn Denis


Dans une mise en scène maîtrisée au millimètre près, un homme raconte son calvaire de femme amoureuse, mariée et mère de famille qui l’amènera à commettre l’irréparable. Une confession intime et terrifiante à la lueur - glauque – d’une vie apparemment rangée.

En plein cœur d’une patinoire aménagée en scène et gradins et au beau milieu d’un noir total, apparaît un homme avachi dans un fauteuil à franges illuminé par la lueur torve d’une lampe à l’abat-jour poussiéreux. Il se raconte. « Il » s’avérant être « elle », une femme, une mère de famille, autrefois, jeune fille amoureuse, qui se dévoile sous les faux-semblants et les apparences trompeuses.

Un texte finement ciselé dont certains mots, terribles, sont habilement noyés sous la banalité d’un quotidien sans aspérités

Comme posé sur un piédestal - la scène n’est qu’un simple fauteuil surélevé éclairé par une lampe – le comédien (impressionnant Erwan Daouphars) semble témoigner de son quotidien de femme au foyer : entre les petits plats cuisinés avec amour (puis avec une obsession boulimique inspirant le dégoût), la vie de mère de deux enfants et la petite routine d’un couple marié, la vie de cette femme qui se confie paraît trop calme pour être normale. À certains moments, le comédien appuie sur un interrupteur et la lumière se fait plus intimiste, plus dénonciatrice, plus glauque : comme pour un accusé qui avouerait ses crimes au cours d’un interrogatoire. La parole se fait alors plus étrange, les rancœurs se font jour, la femme s’épanche : « Est-ce que je me plains ? Non parce que ça ne change rien. » Il s’agit d’amour bafoué, de promesses trahies, d’unmari qui la trompe. Sans jamais dérouler l’histoire dans sa chronologie, la mise en scène du Collectif Denisyak réalise un hold-up émotionnel magistral. Elle nous plongent directement au cœur de ces aveux dont on ne voudrait pourtant pas être témoins. Car il s’agit ici d’infanticide et la mère en donne une justification terrifiante tant elle en est poignante : « Tu me prends l’amour, je te reprends la chair de ma chair, je suis pas un ventre. »

Une mise en scène et un jeu d’acteur effrayants dans leur épure qui révèlent magistralement le trouble lancinant

La maîtrise de la mise en scène et de la diction de ce texte percutant, choquant et terriblement poignant est parfaite. À la lueur plus ou moins effrayante de cet abat-jour en pleine décrépitude (à l’image du personnage en pleine décomposition mentale), Erwan Daouphars passe avec maestria d’une femme normale à une femme malheureuse puis à une femme terrifiante (la crème de son café lui coule sur le menton dessinant un masque déformé rappelant les tueurs les plus angoissants du cinéma). Pourtant, la « normalité » de cette mère qui « a tué quelqu’un » (son propre enfant) est toujours dans le sillage. On lui a dit qu’elle était « sortie d’elle-même » : « je m’étais absentée, j’ai tué quelqu’un même si je ne suis pas folle. » On ne sort pas indemnes de cette pièce dont la puissance et la tension sont plus que troublantes.

Claire BONNOT

« Sandre » de Solenn Denis et mis en scène par le Collectif Denisyak

 Du 7 au 26 juillet 2017 au Festival OFF d’Avignon
à La Manufacture, La Patinoire,  
2 a, rue des écoles, 84 000 Avignon.

À 13h45. Durée : 1h25.